Greg, plus d’un an s’est passé depuis notre dernière rencontre. Une année que je qualifierais de « charnière » dans ta carrière puisque les évènements se sont subitement accélérés. Essayons de remonter le temps et parlons, dans un premier temps, des rencontres. A commencer par celle avec le guitariste Ian Siegal, pourrais-tu revenir sur votre collaboration ?
Oui, ma rencontre avec Ian remonte en fait à quelques années. Nous sommes des amis de longue date mais c’est la première fois que j’ai l’occasion d’enregistrer avec lui. Il est venu, en effet, jouer sur mon nouvel album « Road Movie(s) » (label Nocturne).
C’était un plaisir de travailler en studio avec cet artiste et de constater qu’il avait des facettes cachées dont j’ignorais totalement l’existence.
Il a fait des choses vraiment inattendues comme une version de « Moon River » qui est absolument incroyable.
On l’imagine être un bluesman très « roots » alors qu’il est, en fait, ouvert à plein de choses.
Justement, parlons de ce nouvel album qui se nomme « Road Movie(s) ». Tu profites de ce dernier pour mettre en valeur à la fois ta passion du Blues et celle pour le Cinéma. Comment t’es venue l’idée de réunir ces deux cultures ?
L’idée me trottait, depuis très longtemps, dans la tête. Je suis harmoniciste et fais beaucoup de musiques instrumentales.
Je me suis rendu compte que pour un public peu initié au Blues ou au Jazz le fait d’écouter de la musique instrumentale est plus difficile que d’écouter des chansons. J’ai donc commencé à réfléchir afin de rendre ma musique plus accessible.
Quand on évoque des bandes originales de films telles que celles de « Mission Impossible » ou de « La Panthère Rose » tout le monde est capable de les fredonner, alors qu’il s’agit d’instrumentaux. Ce sont des airs très populaires qui fonctionnent car les gens y associent des images.
Quand on assiste à un concert de Jazz, sans avoir en soit la « clé » qui permet de le comprendre, on est devant quelque chose d’incompréhensible.
Si on y appose des images, l’imagination des gens fait le travail et ils rentrent, plus facilement, dans l’univers. D’où l’idée de faire un album sur le Blues et le cinéma…
Le point qui lie ces deux composantes est l’harmonica qui est souvent utilisé dans les musiques de films et qui génère beaucoup d’images. En pensant à un duel de cow-boys on y appose, presque systématiquement, les musiques d’Ennio Morricone…
Enfin, l’harmonica est l’un des instruments fétiches du Blues. Associer ces deux choses était très confortable car j’avais, à la fois, un univers d’images et la musique que j’aime…
Comment s’est faite la sélection des morceaux ?
Cela a pris trois ans (rires)…
J’ai commencé à travailler avec le pianiste et organiste Johan Dalgaard qui a, également, participé aux sessions de l’album. On a commencé par choisir des thèmes que nous aimons. Cela allait dans toutes les directions musicales. Il y avait des musiques incontournables comme « La Panthère Rose » etc…
Ces musiques n’étaient, au départ, pas prévues pour être jouées à l’harmonica et j’ai pris un grand plaisir à les adapter. C’était un travail très intéressant…
Par la suite nous avons commencé à élaguer et à recentrer nos choix afin d’obtenir une couleur qui soit très homogène. La phase finale était de choisir un directeur artistique…
Mon choix s’est, finalement, porté sur Yvinek qui sera le Directeur de l’ONJ (Orchestre National de Jazz) à partir de septembre 2008. C’est un bassiste et un réalisateur qui a beaucoup d’idées. Il voyait un univers sonore très large et très roots, il voulait tirer l’ensemble vers le Blues.
Cette idée, venant d’un jazzman, est forcément plus large que si elle venait d’un bluesman.
Dans ce disque il y a des thèmes qui sont repris mais aussi des compositions originales librement inspirées de films.
Cela t’aurait-il donné, pour le futur, l’envie de composer pour le Cinéma ?
J’adorerais !
Pour le moment j’ai déjà eu la chance d’enregistrer pour des musiques de films ou de téléfilms. J’ai également travaillé avec Vladimir Cosma…
Le fait d’écrire une musique pour un long-métrage serait une chose qui me plairait beaucoup !
Cela me fait penser à Yann Tiersen qui, avant de faire des musiques de films, faisait déjà des albums très « cinématographiques ».
En écoutant sa musique on se faisait son propre film…
C’est d’ailleurs comme cela qu’il s’est retrouvé dans le cinéma…
Je ferai, peut être, un jour, le même chemin.
Le fait de transcrire pour l’harmonica des parties de saxophone, comme celles de Plas Johnson pour « La Panthère Rose », ou de trompette, comme celles de Miles Davis pour « Ascenseur pour l’Echafaud », a-t-il demandé beaucoup de temps. Etait-ce un travail d’équipe ou t’en ais-tu chargé tout seul ?
Je l’ai fait tout seul…
Ce qui m’intéresse dans ce travail c’est le fait de trouver une manière de faire ressortir l’âme de l’instrument. L’harmonica a des inflexions particulières et en adaptant le thème il faut préserver les particularités de l’instrument.
Je suis un fan absolu de Miles Davis et il y a une manière particulière de jouer de l’harmonica qui permet de sortir un son qui se rapproche de celui de la trompette bouchée.
Le résultat d’ « Ascenseur pour l’Echafaud » prouve que ça marche très bien pour l’harmonica tout en rappelant le son de la trompette. Réunir ces deux mondes était un travail très intéressant.
Dans mon précédent album « Varsovie », le son de l’harmonica était très propre. Sur ce disque je me fonds un peu plus dans les morceaux et la manière de jouer et plus spontanée. Je « cradifie » le son pour donner un côté « roots » à des thèmes qui, au départ, sont très propres.
Par exemple la version de « Calling You » du film « Badgad Café » a été enregistrée avec un banjo désaccordé et un harmonica sur lequel on entend du souffle, voir des notes un peu fausses. L’ambiance qui y est rendue est très particulière et donne une nouvelle lecture du morceau.
On a essayé, sur chaque titre, de trouver quelque chose de surprenant…
Combien d’harmonicas as-tu utilisé pour l’élaboration de ce disque ?
Quelques uns (rires)…
En fait, tous les harmonicas sont spécifiés dans le livret du CD. Les amateurs cet instrument pourront le consulter et trouver tous les détails.
Autre concept, que j’ai découvert sur le Cognac Blues Passions, un nouveau groupe fondé entre autres avec Nono Krief. Il s’agit de Frienship Blues, peux-tu me raconter l’histoire de ce rassemblement d’amis ?
L’idée est du batteur Eric Thiévon avec lequel j’anime, depuis pas mal d’années, des stages sur le Festival Grésiblues. Il a rencontré Nono, que j’avais aussi connu lors de sessions d’enregistrement, et a voulu nous réunir.
Nous sommes en quartette, l’idée est de garder un aspect spontané en ayant un répertoire de morceaux que nous avons très peu répétés. Il y a, à la fois, des compositions personnelles et des reprises. Nono apporte un côté plus « Rock » et moi un côté plus « Blues »…
Ce concept s’appelle Friendship Blues car c’est vraiment une réunion entre copains. Il en ressort un étonnant mélange; Rock, Blues, Jazz, Fusion…
On entend rarement ce genre de musique avec des batailles musicales entre une guitare Rock et un harmonica qui sort des sentiers battus.
Nous sommes toujours, nous même, surpris par le résultat…
En tout cas cela m’a permis, pour la première fois, de t’entendre chanter. Travailles-tu beaucoup ta voix et aimerais-tu chanter davantage dans le futur ?
Je me considère comme un harmoniciste mais cela fait assez longtemps que je travaille le chant. Depuis un an ou deux, un lundi par mois, j’organise les soirées « Gregtime » à l’Utopia . A chaque fois je me fixe un thème en consacrant cette soirée à un artiste différent.
Il en résulte que, pour une seule date, j’apprends tout un répertoire de chansons que j’interprète alors. Ces concerts me font beaucoup travailler ma voix et je prends, à chaque fois, de plus en plus de plaisir à chanter.
Peux-tu me parler de tes projets ?
En premier lieu c’est la sortie de l’album qui est annoncé pour le 29 septembre 2008. Il y aura probablement une petite tournée de promotion qui suivra cette date avec, en point d’orgue, un concert au Café de la Danse à Paris le 3 Novembre.
L’année dernière j’ai rencontré Johnny Hallyday pour lequel j’ai enregistré des parties d’harmonica pour l’album « Le Cœur d’un Homme ». Il parait que je vais intégrer le groupe qui l’accompagnera pour sa grande tournée des stades en 2009. J’attends cela avec impatience et je croise les doigts…
As-tu une conclusion à ajouter ?
J’ai participé au Cognac Blues Passions en tant qu’animateur d’un atelier Gospel…
C’est la première fois que je ne touchais pas d’harmonica et que je me consacrais au chant. C’était une superbe expérience et je repars avec cette idée d’avoir travaillé avec 9 chanteuses pour moi tout seul. C’était très bien et c’est, peut être, une chose que je vais développer…
http://www.gregzlap.com
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